“I was sentimental about many things: a woman’s shoes under the bed; one hairpin left behind on the dresser; the way they said, “I’m going to pee..”’ hair ribbons; walking down the boulevard with them at 1:30 in the afternoon, just two people walking together; the long nights of drinking and smoking; talking; the arguments; thinking of suicide; eating together and feeling good; the jokes; the laughter out of nowhere; feeling miracles in the air; being in a parked car together; comparing past loves at 3am; being told you snore; hearing her snore; mothers, daughters, sons, cats, dogs; sometimes death and sometimes divorce; but always carring on, always seeing it through; reading a newspaper alone in a sandwich joint and feeling nausea because she’s now married to a dentist with an I.Q. of 95; racetracks, parks, park picnics; even jails; her dull friends; your dull friends; your drinking, her dancing; your flirting, her flirting; her pills, your fucking on the side and her doing the same; sleeping together”Charles Bukowski, Women
Libellés : Littérature, Musique
Qu'est-ce qui t'a hissé, une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre ?
Assis dans une bibliothèque municipale. Déconcentré par l'observation perverse. Une fille passe, et plus rien ne se met à penser. Regarder des gens s'arrêter devant les étagères de philosophie. Qu'ils semblent perdus... Un lycéen ou un prépa littéraire bloque devant les bouquins, la liste donnée par son professeur pour une dissertation à la main, cherchant minutieusement les titres comme on cherche une réponse à un problème de maths sur la copie du voisin. Le face à face avec ces livres, c'est un visage dessinant une angoisse teintée d'incompréhension admirative. Le "peuple" est hermétique à la philosophie car il tient la philosophie pour hermétique. Un blockbuster sans making-of. Un autre monde. Mythique. Sacré.
Kierkegaard a d'ailleurs un nom qui porte déjà en lui une aura particulière. On lit sa philosophie dans la constrution de son nom, ces doubles voyelles emprisonnées par des consonnes aggressives, un son mécanique... Une autre fille passe... Pour quelle raison ?
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Les filles sont belles parce qu'on peut les résumer en une chanson, un poème, un film, voire une phrase. On ne peut pas résumer Kierkegaard en une phrase. Même un seul de ses livres. On ne peut même pas résumer son nom, à vrai dire.
Il semble qu'il ne ratait pas une représentation du Don Giovanni de Mozart quand celle-ci se présentait à lui. Son Journal du Séducteur ne fera pas dire le contraire. Le personnage décrit sous un pseudonyme en forme d'alter-ego (on se demande alors : un ego n'est-il pas toujours alter ?), Johannes, est bien proche de cette réplique du héros de Molière : "tout le plaisir de l’amour est dans le changement." (Acte I, scène 2).
Qui mieux que ce personnage inspiré de Don Juan et de la vie du philosophe pourrait rendre compte de ce stade où l'homme vit dans une sorte de "carpe diem" dans sa signification la plus triviale, où l'on vit de l'instant présent et de toutes ses jouissances ? Le narrateur note : "toute sa [Johannes] vie avait pour but la jouissance".
Quand ce même narrateur avoue "ah ! une mauvaise conscience peut rendre la vie intéressante", on voit poindre un sous-entendu quant à la vie "esthétique" du séducteur. Une introduction ambiguë car le narrateur veut assouvir son désir de connaissance quitte à payer le prix de la mauvaise conscience entraînée par la façon dont il se procure cette connaissance, de la même façon qu'un séducteur veut assouvir son désir.
“La femme inspire l’homme tant qu’il ne la possède pas” et c'est pourquoi l'homme sauve la femme (mais la sauve uniquement pour lui. La femme, elle, ne considère pas avoir à être sauvée, et elle a sans doute raison) par l'art, puisque ce dernier, en revanche, l'homme ne pourra jamais le "posséder". "Tout ce qui est incompréhensible ne laisse pas d'être" écrivait Pascal dans les Pensées.
Mais en essayant de sauver la femme, l'homme se perd...
Si la vie de Johannes est qualifiée de "trop intellectuelle", il finira donc dans le désespoir qu'il essayait de fuir, égaré entre "le monde dans lequel nous vivons" et celui "loin à l'arrière-plan". Et oui, tout près, là, derrière la vie, il y a l'idéal... A moins que ce ne soit l'inverse... Le narrateur finit son portrait : "cela sera plus horrible encore pour lui", "moi aussi j'ai été entraîné dans ce monde nébuleux, dans ce monde des rêves où à chaque instant on prend peur de sa propre ombre. Souvent j'essaie en vain de m'en arracher".
Tiens, ça fait penser à Nerval...
Je suis le ténébreux - le veuf, - l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie;
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Une fille encore. Dans les escaliers cette fois. Descente et sortie des lieux ralenties pour optimiser l'observation de ses formes. Dans la rue, une autre vient vers moi, déballant un speech "humanitaire." Tout chez elle est d'une laideur... "On ne réfute pas un Allemand avec un argument, mais avec de la rhubarbe", disait Nietzsche.
Libellés : Littérature, Philosophie
Toujours elle me fut chère cette colline solitaire
et cette haie qui dérobe au regard
tant de pans de l'extrême horizon.
Mais demeurant assis et contemplant,
au-delà d'elle, dans ma pensée j'invente
des espaces illimités, des silences surhumains
et une quiétude profonde ; où peu s'en faut
que le cœur ne s'épouvante.
Et comme j'entends le vent
bruire dans ces feuillages, je vais comparant
ce silence infini à cette voix :
en moi reviennent l'éternel,
et les saisons mortes et la présente
qui vit, et sa sonorité. Ainsi,
dans cette immensité, se noie ma pensée :
et le naufrage m'est doux dans cette mer.
Sempre caro mi fu quest’ermo colle,
e questa siepe, che da tanta parte
dell'ultimo orizzonte il guardo esclude.
Ma sedendo e mirando, interminati
5spazi di là da quella, e sovrumani
silenzi, e profondissima quiete
io nel pensier mi fingo; ove per poco
il cor non si spaura. E come il vento
odo stormir tra queste piante, io quello
10infinito silenzio a questa voce
vo comparando: e mi sovvien l’eterno,
e le morte stagioni, e la presente
e viva, e il suon di lei. Così tra questa
immensità s’annega il pensier mio:
15e il naufragar m’è dolce in questo mare.
Giacomo Leopardi, L'infini
Libellés : Littérature