En 1964 il chantait que "les temps sont en train de changer" ("The Times They Are A-Changin'"), en 2000 que les "choses ont changé" ("Things Have Changed"), mais en 2011 il est toujours là.
A 70 ans, Bob Dylan reste le symbole du temps qui allait venir, du temps qui était en train de passer, du temps qui est passé, et du temps qui passe. Par ses textes donc, mais aussi par sa musique, les "modes" qu'il suivit ou qu'il contribua à créer. Du folk acoustique au blues électrique, du rock au reggae, Bob Dylan étale son empreinte musicale depuis près d'un demi-siècle (son premier album (en considérant que Bob Dylan sorti en 1962 n'est pas vraiment un album avec seulement deux compositions assez pauvres), The Freewheelin' Bob Dylan, est sorti en 1963), et comme le temps, sa carrière n'est faite que de ruptures perpétuelles. Avec ses influences (sans les renier), avec ses propres contributions, avec son public, avec les femmes.
Car c'est là tout le personnage Bob Dylan, il est à la musique ce que Socrate est à la philosophie, une représentation vivante de l'ironie. Une icône dédaigneuse, qui tantôt fédère, tantôt exaspère.
Il n'y a qu'à voir l'album Blood on the Tracks, sorti en 1975, connu pour être lié à la séparation de Dylan et de sa femme, Sarah. Les textes y sont aussi acerbes que doux, ou mélancoliques. Après avoir ponctué tous ses refrains d'un "Tu es stupide, bébé. C'est une merveille que tu saches encore respirer." ("You're an idiot, babe. It's a wonder that you still know how to breathe.") dans Idiot Wind, il termine par faire voeux de repentance : "Nous sommes stupides, bébé. C'est une merveille que nous sachions encore nous nourrir." ("We're idiots, babe. It's a wonder we can even feed ourselves."). Une ironie toujours emprunte de nostalgie, mais une nostalgie qui regrette également les temps à venir. En pleine séparation avec sa femme, il est déjà "hanté par son souvenir" ("hounded by your memory"), mais demande déjà aussi à quelqu'un "si tu la vois, dis lui bonjour, [...] elle pense peut-être que je l'ai oubliée, ne lui dis pas que ce n'est pas vrai" ("If you see her, say hello, [...], She might think that I've forgotten her, don't tell
her it isn't so.")
Dylan, dès 1965, dans Highway 61 Revisited, avait déjà compris que le temps n'était qu'une longue et lente "allée de la désolation" ("Desolation row"), où toutes les contradictions coexistent et où règne l'absurdité.
Sa conversion vers le mysticisme n'est donc pas anodine. Tout autant que l'adoration et les multiples références de l'auteur de Watchmen, Alan Moore, pour le musicien américain. Bob Dylan, dans une certaine mesure, est le Comédien, ce personnage qui a compris que la vie n'est qu'une vaste farce, que rien n'en vaut vraiment la peine, et qui vit alors totalement cette ironie, une ironie complexe, à découvert, à face découverte.
Vociférant sur son public, sur les femmes qu'il aime, Bob Dylan a surtout su créer une oeuvre d'une richesse qualitative et quantitative impressionnante, et c'est sa vision si particulière qui le lui permet, lui qui, en 1997, sur Time Out Of Mind (le titre en dit long), nous chantait le crépuscule en nous donnant ce détail qui résume si bien l'artiste : "Derrière chaque belle chose, il y a une sorte de peine" ("Behind every beautiful thing, there's been some kind of pain")
Libellés : Chronique musicale, Musique
2 Comments:
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- Mr Prog said...
25 mai 2011 à 20:38et Socrate aussi il avait une voix de canard ?...- Jeanmi said...
22 décembre 2011 à 11:16En 1965 j'étais bidasse en Allemagne et, en zone américaine je voyais partir les premiers contingents pour le Vietnam et ce n'était pas la fleur au fusil ! Mais sur les chansons de Dylan.